Projet atypique s'il en est que celui mené par de nombreux partenaires actifs dans le domaine de la nature et du patrimoine ferroviaire, à savoir la restauration d'une ancienne cabine d'aiguillage à la gare de Sourbrodt pour y accueillir des chauve-souris
Sauvegarde du patrimoine et biodiversité, voilà résumé en deux mots ce projet atypique sur le site de l’ancienne gare de Sourbrodt, avec notamment la réhabilitation de l’ancienne cabine d’aiguillage, construite entre 1906 et 1908, la plus ancienne de Belgique et une des dernières encore préservées, qui va être transformée en gite pour chauve-souris ! « La cabine était vraiment dégradée, il y avait des trous au niveau de la toiture, des courants d’air, alors que les chauve-souris ont besoin d’endroits calmes, abrités des courants d’air », précise Emily Hugo, coordinatrice de la cellule Natura 2000 pour Natagriwal. « En fonction de leur mode de vie les chauve-souris ont besoin, en hiver, d’un lieu où hiberner avec température stable, humide, pour éviter qu’elles se dessèchent lors de l’hibernation. C’est ce qui est en cours ici, en réaménageant le sous-étage de la cabine, dans sa partie supérieure elle servira d’affection d’été pour les chauve-souris pour y établir leur maternité en fait », détaille encore Emily Hugo. On précisera que de nombreuses mesures sont prises pour le confort de ces chiroptères, comme une ouverture de 40 cm sur 6 cm pour éviter le passage de gros prédateurs, une deuxième entrée-sortie pour s’échapper le cas échéant, occlusion des ouvertures pour plonger dans le noir toute la cabine, etc. Il faut savoir que les chauves-souris, mammifères généralement mal connus, sont menacées à l’échelle européenne. « Leurs terrains de chasse disparaissent en raison de la modification des paysages (disparition des haies et des vergers, urbanisation des campagnes, utilisation de pesticides…), de la dégradation de leurs gîtes d’été et d’hiver (isolation des toitures, rejointoiement de bâtiments ou ouvrages d’art) et de la pollution lumineuse qui perturbe leurs proies.
Les chauves-souris, par leur cycle de vie dissocié en deux phases, utilisent deux types de gîtes au cours de l’année : un, d’été et un second, d’hiver. Dans le premier, les femelles se regroupent en colonies de reproduction appelées « maternités ». Les jeunes restent au chaud, ensemble. Les femelles partent chasser la nuit puis reviennent les allaiter. Le second gîte est utilisé pour hiberner. Il doit être calme, humide pour éviter la déshydratation des chauves-souris et garder une température stable comprise en 1 et 12°. »
Passionné de patrimoine ferroviaire
Ce réaménagement de cette cabine d’aiguillage, on le doit avant tout à l’ASBL 811, qui a déjà concrétisé la restauration de deux anciens signaux ferroviaires à palettes et donc aussi la réhabilitation de la cabine d’aiguillage abandonnée depuis bientôt 25 ans. « Tous ceux qui ont parcouru le RAVeL de la Vennbahn auront eu l’œil attiré par ces témoins énigmatiques d’un temps révolu. Les travaux sur les anciens signaux sont presque terminés. Ils ont été repeints dans leurs couleurs d’origine. Restent encore à poser les panneaux didactiques et les anciennes lanternes à pétrole qui, jusque dans les années 50-60’, réglaient la circulation des trains la nuit. Ces travaux sont subventionnés par l’Agence wallonne du Patrimoine (AWaP).
Les travaux de réhabilitation de l’ancienne cabine d’aiguillage viennent de débuter. Le bâtiment conservera son architecture typique de l’époque prussienne avec notamment sa toiture en cherbins, une ardoise arrondie, caractéristique de l’Ardenne et de l’Eifel. Une des originalités de ce projet est qu’il associe sauvegarde du patrimoine et protection de la biodiversité. En effet, les espaces du rez-de-chaussée et les combles sous la toiture seront affectés comme gîtes pour chauves-souris. La salle des commandes, au 1er étage, pourra être visitée plusieurs fois par an, notamment dans le cadre des journées du patrimoine.
Ces travaux bénéficient d’un financement régional et européen qui devrait probablement être complété par une subvention de l’AWaP. Ils sont le fruit de la collaboration de nombreux partenaires : le Parc Naturel Hautes Fagnes – Eifel, le Département Nature et Forêts, Natagriwal et Natagora pour la partie biodiversité, 8II asbl, la SNCB et Train World pour le volet patrimonial », précise Niels Antoine, de l’ASBL 811.
La restauration des deux signaux et de la cabine d’aiguillage constitue le premier pas d’un projet plus vaste de réhabilitation du site de la gare de Sourbrodt, projet que la Commune de Waimes entend poursuivre et mener à bien.
Un peu d’histoire
L’ASBL 811 qui est donc constituée autour de la restauration de ce patrimoine ferroviaire typique de la gare de Sourbrodt, et qui nous replace dans l’histoire ce patrimoine qui revit grâce à ces passionnés. « L'ancienne cabine d'aiguillage SI de la gare de Sourbrodt a été construite en 1906-08. Cette partie du territoire belge faisait alors partie de la Prusse, ce qui explique le caractère germanique de son architecture. Il s'agit de la plus ancienne cabine d'aiguillage de Belgique, l’une des très rares épargnées lors des vagues successives de modernisation du réseau.
Les signaux à palettes ont été posés au début de la seconde guerre mondiale, peu de temps après la (ré)intégration des Cantons de Malmedy, Eupen et St-Vith à l’Allemagne. Après la guerre, la Vennbahn retourne dans le giron de la SNCB et cette signalisation ferroviaire allemande est adaptée partiellement pour répondre aux standards belges. La palette inférieure qui autorise les manœuvres des trains est raccourcie et peinte en mauve avec une ligne blanche. Le mécanisme est également modifié pour accueillir les lanternes à pétrole SNCB.
Cette situation atypique sur le réseau perdurera près d’un demi-siècle. Nous arrivons alors en période de guerre froide et différents bataillons de l’Armée belge viennent plusieurs fois par année s'entraîner au camp d’Elsenborn. Ces manœuvres génèrent d'importants déplacements en matériel et en hommes, lesquels ne peuvent être assurés qu'en train. Ce trafic étant dense mais irrégulier, la SNCB juge préférable de maintenir la signalisation mécanique existante.
En 2004, les techniques militaires et la situation géopolitique ayant évolué, la desserte de la gare de Sourbrodt s’éteint définitivement. Les signaux et la cabine d’aiguillage de la gare de Sourbrodt figurent parmi les derniers vestiges de la signalisation ferroviaire à palettes en Belgique. Mais ils sont surtout les témoins de l’Histoire : celle d’une région dont les habitants changèrent trois fois de nationalité en l’espace de 30 ans. »
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