C’est une des conséquences de la crise sanitaire, la digitalisation de notre société s’est accélérée. Si cela présente des avantages, pour près d’un Belge sur deux, c’est tout le contraire. La tendance est plutôt à l’isolement. Encore plus si l’on est en situation d’illettrisme. Ce jeudi, journée internationale de l’alphabétisation, un flash mob était organisé place du marché à Verviers pour « remettre de l’humain dans la machine ».
Audrey Degrange
En Belgique, un adulte sur 10 présente des difficultés d’alphabétisation. C’est le cas de ces apprenants de l’ASBL Lire et Ecrire à Verviers réunis ce jeudi matin sur la place du Marché pour sensibiliser les pouvoirs publics à leur quotidien semé d’embûches depuis que le digital a pris la place de l’humain. «Chaque fois que je vais dans un agence d’intérim, on me dit que je dois m’inscrire en ligne mais ça, je ne sais pas faire, nous confie Yaia Houho. Il y a quelques années, j’avais pris un billet d’avion pour aller voir ma famille au Maroc. J’arrive à la gare et il n’y avait pas de guichet. J’ai demandé de l’aide mais le temps que quelqu’un s’occupe de moi, c’était trop, le train était parti, l’avion aussi et moi je suis resté en Belgique. »
Le cas de Yaia est loin d’être une situation isolée. Près de la moitié des Belges fait face aujourd’hui à une vulnérabilité numérique que la crise sanitaire a accéléré et que l’Asbl Lire et Ecrire souhaitait dénoncer sous la forme d’un flash mob. « On voulait montrer qu’il y a une longue file d’attente devant les guichets parce qu’ils sont fermés et que certaines personnes en difficulté avec l’écrit, on vraiment besoin d’avoir un contact en face à face pour s’expliquer ou être conseillé, explique Isabelle Demortier, Responsable de projets pour l’ASBL Lire et Ecrire à Verviers. Pour la plupart, ils n’ont pas d’adresses mails, ils ne savent pas prendre rendez-vous sur Facebook et quand ça se passe par téléphone, il y a un long temps d’attente qui fait qu’au final, ils perdent de l’argent car ils fonctionnent par forfait avec les gsm. »
Et plutôt qu’un clic, la claque est double. « Certains s’enfoncent dans le marasme de la paperasserie qui n’est pas gérée. Ou alors ce sont les services sociaux qui sont débordés. On a aussi vu nos apprenants perdre en autonomie, là où ils arrivaient à se débrouiller. On recule », se désole Isabelle Demortier.
Interpellée pour rouvrir ses guichets sans rendez-vous, la Ville de Verviers comprend la demande mais rappelle que tout est mis en place pour n’oublier personne. « Tous les documents qui peuvent être délivrés en format numérique sont accessibles aussi au guichet. C’est vrai qu’avec le covid, on est passé au système du rendez-vous. Il peut se prendre par téléphone mais on peut aussi venir se présenter à l’administration pour avoir un rendez-vous. Avant, les gens venaient, faisaient la file et parfois repartaient sans être servi. Le rendez-vous est désormais la formule privilégiée », note Alexandre Loffet, Echevin de l’Etat civil à la Ville de Verviers.
Une réponse loin de satisfaire l’asbl Lire et Ecrire qui a rédigé une lettre ouverte aux ministres compétents pour réclamer d’urgence des mesures alternatives.