Mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Et force est de reconnaître que le Tour Auto, c’est l’une des dernières très grandes organisations sur la scène du sport automobile historique. Une épreuve tellement différente des autres.Une semaine durant, ce sont 240 voitures d’hier et d’avant-hier, allant de la Bugatti T57 de 1936 à la BMW M1 Procar du début des années ’80, en passant par des populaires, des voitures de tourisme, de rutilantes GT et d’improbables prototypes, qui s’offrent leur Tour de France. Un périple qui débute évidemment à Paris. Avec une journée permettant au public d’admirer ces belles en phase de concentration, du côté de la Porte de Versailles. Il est 6 heures, Paris s’éveille… Le mardi, dès l’aube, les mécaniques vrombissent, les bolides quittent un à un Versailles pour se lancer sur les routes. Les Parisiens à peine réveillés n’en croient pas leurs yeux, les noctambules sur le retour ont la berlue. Oui, c’est bien l’histoire du sport auto qui défile sous leurs yeux, en pleine ville et en pleine semaine… Le départ officiel, c’est depuis l’Autodrome de Linas-Monthléry, au sud de Paris, qu’il a été donné. Ou quand l’histoire rencontre l’histoire. Avec son célèbre virage relevé, ou banking, le lieu est désormais centenaire. Ce qui valait bien une première épreuve de classement. Le ton est donné. Les quatre jours qui suivent sont à l’avenant. Avec des spéciales de type rallye, et des courses sur circuit. La particularité du Tour Auto, qui était évidemment celle du Tour de France Automobile. Circuit Bugatti du Mans, Circuit du Val de Vienne, Circuit Paul Armagnac de Nogaro, Circuit Européen de Pau-Arnos, les épreuves s’enchaînent, au rythme de performances, de batailles rangées, de course à la précision, de désillusions, de frustrations. Les mille et une histoires d’un Tour Auto. Entre ces courses sur circuit, il y a les étapes spéciales. Improbables, spectaculaires, tellement adaptées à certaines machines… et inadaptées à d’autres ! Voir des Jaguar Type E, Shelby Cobra, Ferrari 512 M ou 250 GT, Ford GT40, Porsche 904, 906, 910 et évidemment 911 débouler sur des routes étroites, dans des paysages à couper le souffle reste un rêve éveillé… Et puis, il y a les haltes, au gré de châteaux et d’abbayes, ou quand le patrimoine architectural rencontre le patrimoine automobile. Le tout saupoudré de gastronomie. L’art de vivre à la française dans toute sa splendeur. Quant aux villes d’étape, elles sont tirées, le temps d’une soirée, d’une nuit et d’un matin, de leur torpeur. Tours, Limoges, Carcassonne et Pau ont assisté au débarquement des hommes, des femmes et des machines. Des assistances, des équipes de l’organisation, bref, d’un barnum improbable, parfaitement encadré par une Garde Républicaine qui accompagne l’épreuve, et qui veille au bon déroulement de l’ensemble. Faciliter le passage des concurrents à l’heure de la sortie des bureaux, calmer les ardeurs de certains sur les tronçons hors compétition… Les anges veillent. Au bout de 2000 kilomètres de liaison, de spéciales et de courses sur circuit, c’est l’arrivée. Biarritz, Cité de l’Océan. Le cadre est magique, symbolique. Un peu comme si la course était arrivée au bout du bout. La tempête a grondé, les éléments se sont déchainés, avant de s’apaiser et de saluer les rescapés d’une improbable semaine. En compétition, c’est une Jaguar Type E qui s’est imposée, celle des Français Emmanuel Brigand et Yann Albert, et en Régularité, une MG A a confirmé la mainmise des voitures anglaises sur ce millésime 2024. Ah oui, cette édition pas comme les autres était la dernière de Patrick Peter à la tête de ‘son’ Tour Auto ! Une page va se tourner, et désormais, le Tour Auto est entre les mains… d’ASO, la même structure qui avait exigé le changement d’appellation en 1998 ! De nouveaux chapitres vont s’écrire, de nouveaux visages vont apparaître, mais restera l’âme d’un événement tellement décalé dans notre société toujours plus lisse, toujours plus fade. Ah, bien sûr, le Tour Auto n’a rien d’une ode à la voiture électrique. Mais avant de tirer sa révérence, Patrick Peter s’est assuré qu’une compagnie pétrolière majeure, Aramco pour ne pas la citer, entame le développement de carburants synthétiques en phase avec les restrictions environnementales du moment. Avec 75% d'émissions de gaz en moins, ces chères anciennes de course vont pouvoir effectuer de nouveaux tours de France. Euh, pardon, de nouveaux Tour Auto.