Virgile Gauthier s’en est allé hier, à 58 ans, après un long combat contre la maladie. Toutes celles et ceux qui l’auront croisé durant toutes ces années, que ce soit à Radiolène ou à l’Abbaye de Stavelot, n’oublieront ni son humour, ni cette force qui le poussait toujours à créer et aller de l’avant.
Ce dimanche matin, les témoignages se multiplient. Ceux d’abord de sa famille de Radiolène, rassemblés dans la tristesse, et qui, unanimes, rappellent ce qu’il a apporté à l’antenne verviétoise de la RTBF.
Son chef de l’époque, d’abord, Jacques Chaumont: "Virgile est arrivé chez nous en 1991, comme animateur. Il venait du monde des radios libres liégeoises. Directement, au delà de l’animation, par sa personnalité rassembleuse, il a renforcé encore le dynamisme de notre équipe. Il avait énormément d’humour, du talent à revendre, avec une passion toujours renouvelée”. Jacques Chaumont qui rappelle aussi les autres centres d’intérêt, le mot est faible, de Virgile Gauthier: la bande-dessinée, pour laquelle il consacrait une rubrique régulière sur la RTBF, et, bien-sûr, le théâtre, avec la grande aventure du “Théâtre du Souffle".
Et de poursuivre:" Il tenait beaucoup à mettre sur le devant de la scène, celle de l’actualité, tous les acteurs des mondes culturel, social ou encore touristique, et il le faisait avec beaucoup de talent. Il venait toujours au boulot le sourire aux lèvres, avec 26 idées par jour, et a apporté énormément à Radiolène."
Françoise Dubois, aujourd’hui à Liège, se souvient des années Radiolène: "J’ai connu Virgile à Radio Basse-Meuse, où il était producteur. Celle qui allait devenir son épouse, Brigitte Lousberg, était une déjà une amie et consoeur de la presse écrite, où j’avais commencé le métier. Il est passé ensuite par SIS puis Radio-Contact à Verviers. Nous sommes devenus amis, puis, quand il est arrivé à Radiolène, nous avons de nouveau travaillé ensemble. C’est nous qui avions proposé à Jacques Chaumont de le faire rejoindre notre équipe. Virgile était un boute-en-train, un grand professionnel qui préparait ses émissions avec soin. Dans la vie privée, il était aussi très drôle: nous faisions partie d’un même groupe de ballades: c’est lui qui mettait l’ambiance et il était toujours le premier à chanter. Je me souviens aussi de sports d’hiver et de sa découverte du ski. Il s’était construit de lui-même, prenant très jeune son indépendance. Son autre passion, c’était le théâtre : jusqu’au bout, il aura nourri cette passion, sur scène, avec “ Top Dogs”, malgré les assauts de la maladie."
Même vision de Philippe Collette, qui , ce matin, postait sur son mur facebook le message suivant: "De Virgile nous restera l’image d’un personnage souvent haut en couleurs, à l’humour bien placé, ayant son mot sur tout et à bon escient, dynamique à souhait , motivé comme pas deux et d’une grande disponibilité".
Après Radiolène et l’information, Virgile connut, avec le même brio, une deuxième vie professionnelle, à la direction de l’Abbaye de Stavelot. C’est l’historien Freddy Joris, président du conseil d’administration, qui le recruta en 2005: "Au moment où le destin de Radiolène était en train de basculer, j’avais eu une conversation avec Virgile qui voulait réorienter sa carrière. Le directeur de l’Abbaye de Stavelot, Francis Hourant, était en partance. C’est Françoise, mon épouse, qui me lança l’idée. Un jour, j’ai attendu Virgile dans le hall de Radiolène, et je lui ai proposé cette nouvelle aventure. Sitôt dit, sitôt fait. Dès qu’il est arrivé à Stavelot, Virgile a voulu directement marquer son territoire et imposer son style. Il l’a fait avec succès."
Et quand on demande un souvenir marquant à Freddy Joris, il se remémore: "L’exposition Szymkowisz, assurément… Le peintre, qui fait des grands formats avec des visages très marqués, veut, quand il arrive sur un lieu, y répandre partout ses oeuvres. Ce fût le choc des titans … Virgile , c’était son abbaye, Szymkowisz, c’était sa peinture! Tout s’est finalement bien terminé et l’exposition fût couronnée de succès."
Il y a quelques années, juste avant qu’il ne quitte Radiolène, je me souviens d’un voyage au Sénégal, en Casamance, pour une série de reportages sur les projets verviétois de coopération de Guy Bouchat , disparu, lui, triste hasard des choses, il y a juste un mois. Virgile pour Radiolène, Anibal et moi pour Télévesdre. La Casamance sortait d’une guerre civile, mais tout était rentré depuis longtemps dans le calme. Ni Virgile ni moi n’étions, sans raison pourtant, particulièrement rassurés, et le franchissement de chaque poste militaire nous faisait rivaliser , disons-le -Virgile, tu me pardonneras - d’une relative couardise. La Casamance fût notre désert des Tartares, les rebelles ne sont jamais venus, ils étaient partis depuis longtemps... Chaque fois que nous sous sommes croisés, depuis, nous nous sommes rappelés, à coup de grands éclats de rire, ce voyage et nos hauts actes de bravoure.
L’image qui me revient aujourd’hui, c’est ce soir de Noël, le 24 décembre 2000, au campement de William, à Oussouye, avec la vue sur les Bolongs et ces enfants qui chantaient “Petit Papa Noël” . Il y a vingt ans.
Si un jour je reprends, en Casamance, la piste qui mène de Ziguinchor à Oussouye, et qu’une bourrasque emporte mon chapeau dans la brousse, je saurai que c’est toi, Virgile, qui vient me titiller. J’aurai toujours aussi peur, assurément, mais, promis, je rirai toujours autant!
Bon voyage à toi.
Urbain Ortmans.