Troisième rendez-vous de celui de "La chambre confinée". Il s’agit du verviétois Raymond Delhaye. Après des études de photographie à Saint-Luc à Liège, il ouvre un studio rue Xhavée en 1980. Installé aujourd’hui au dessus de la librairie les Augustins, en face de l’Harmonie, il nous livre son regard sur ces jours d’épidémie.
-Raymond Delhaye, comment vivez-vous dans la "chambre confinée" ?
Bien , nous sommes dans un lieu agréable et bien aéré.
-Etre confiné, c’est aussi une opportunité ? Si oui, laquelle ?
Oui, c’est l’opportunité de s’occuper de ces choses pour lesquelles je procrastinais, par exemple, faire un tri et numériser mes négatifs depuis 1968… !
Cela me rappelle Hubert Grooteclaes, quand il a fermé son studio en 1971, qui a repris ses négatifs préférés, les a retirés et coloriés
Mais je ne risque pas de colorier les miens ! Pour moi, « La vie est en couleurs, la photographie est en noir et blanc. "
-Une ville sans ses habitants, cela suscite quoi comme réflexion pour un photographe ?
Jadis, pour photographier une ville, une rue, j’essayais toujours qu’il n’y ait personne sur la photo ! C’est le contraire maintenant !
-Si vous deviez faire des portraits actuellement, ce serait de qui ?
De ceux qui en ont envie, de ceux que j’aime...
-Les photographes sont en phase avec la vie du monde: quels sont les grands photographes qui ont fixé sur la pellicule des images d’épidémie ?
Je pense à William Eugene Smith à Minamata : c’était la pollution au mercure plutôt qu’une épidémie…
-A quel moment avez-vous pris conscience de la gravité de cette épidémie ?
A partir du moment où l’Italie a été touchée…
-Quels livres doit-on lire en cette période et pourquoi ?
Tout ce qu’on aime… Tout ce qui peut nous permettre de nous évader dans le plaisir de la lecture…
Je termine «Le monde n’existe pas» de Fabrice Humbert, je lis «Crève Ducon» de Cavanna et «Saravah, c’est où l’horizon ?» de Benjamin Barouh.
-Comment vivez-vous l’épidémie en tant que telle ?
Avec sérénité.
-Quel est votre rapport avec la maladie et la mort ?
Comme je l’ai côtoyée de près il y a 2 ans et rencontré la grande faucheuse, je sais qu’elle est là et qu’elle ne me ratera plus la prochaine fois, mais je ne suis pas pressé !
Avant, je n’y pensais jamais, maintenant elle m’accompagne, sans peur…
«Ne chantez pas la mort, c’est un sujet morbide, le mot seul jette un froid aussitôt qu’il est dit » …Vous m’avez fait relire le texte de Léo Ferré, merci ! :-)
-La peur, c’est….
La peur tue les rêves et rend le loup plus gros qu’il n’est !!
-Beaucoup disent que plus rien ne sera comme avant. Qu’en pensez-vous ?
J’espère bien qu’après ça, le monde ne retournera pas dans ses vieilles ornières ! Je présume que vous avez vu ce dauphin dans un canal de Venise ! (ndlr : fake news...le dauphin, c’est à Clagiari en Sardaigne, à Venise seulement des poissons.... :-) )
-Où voudriez-vous être si vous n’étiez pas confiné ?
Au bord de la mer !
-On vous donne une baguette magique, vous faites quoi ?
Je tue covid-machin… POUF !
-Et les Augustins, de Béatrice Stassen, comment vivent-ils cette période ? Comment peut-on soutenir la librairie ?
En y accourant dès que les portes s’ouvriront enfin !!
Propos suscités par Urbain Ortmans et diffusés le 22 mars 2020