"La chambre confinée" (20) : Audrey PLUNUS "avec l'inspecteur Rox et son adjoint Murphy !"

38 ans, diplômée en marketing et passionnée d’art contemporain, Audrey Plunus est indépendante depuis toujours en fait... depuis avril 2003. Installée à Sart lez Spa, passionnée par les matières et sculptures extérieures, sa maison-galerie d’art et jardin de sculptures est un véritable petit paradis à visiter quand le confinement sera terminé ! Elle défend, à Sart-lez-Spa et sur les foires d’art contemporain, une trentaine d’artistes d’origine diverses (Belgique, France, Bulgarie, Pologne, Hollande, Pérou, Allemagne,...). Alors, comment vit-on un confinement entourée des oeuvres de ses artistes préférés ? Réponse dans cette 20ème édition de “La chambre confinée” !

-Audrey Plunus, vous êtes confinée chez vous ; et chez vous, c’est aussi une galerie avec de nombreuses oeuvres d’art : avez-vous un autre dialogue avec elles ?

Un autre dialogue ou plutôt un nouveau dialogue. Vendre et acheter de l’art n’est pas la priorité aujourd’hui, j’ai décidé de communiquer sur les oeuvres autrement, de dialoguer avec le public et de partager mon ressenti en cette période de crise au travers d’une oeuvre par jour. L’album sur facebook  s’appelle “Art news in this hard period”... J’ai demarré cela le vendredi 13 mars dans la camionnette, j’étais en route vers Lyon pour aller chercher les oeuvres Terra Cotta pour l’expo d’avril... 

Une idée d’album photo sur un coup de tête... Aujourd’hui, j’en suis à la 33ème publication. Vu que cela va durer jusqu’au 3 mai au moins... j’aurai environ 60 publications, ça pourrait faire un joli catalogue, livre-souvenir ? On découvrirait l’ensemble de nos artistes en même temps... On pourrait soutenir une structure médicale et nos artistes qui en ont bien besoin aussi en le vendant. Je travaille sur ce projet, entre autres, en ce moment.

-Quels étaient vos projets et en quoi ont-ils été bouleversés ? 

Notre dernier event à la galerie était le vendredi 14/02, une nocturne pour les amoureux d’art.  Depuis, nous n’avons plus d’activités car nous préparions la Foire de Lille (05 au 8 mars)  qui a été postposée, ensuite nous avions le salon AAF de Bruxelles  qui a été postposé. Nous devions avoir l’exposition Terra Cotta tout le mois d’avril et ensuite l’expo Africa (mois de mai) pour laquelle nous n’avons pas reçu photos et bronzes car les ateliers sont à l’arrêt... Le tout, ryhtmé par des tables d’hôtes qui ont été aussi supprimées. Bref, tout ce joli chaos fait que nous avons en notre maison galerie l’ensemble des oeuvres qui était prévues pour Lille et Bruxelles, les pièces Terra Cotta... Nous avons donc mis tout en place aux murs de notre Maison Galerie et Jardin pour vous les faire découvrir après le confinement. En attendant... nous vivons entouré de merveilles !

Concernant le calendrier d’expos on a postposé d’un an l’expo Africa et reprendrons notre calendrier normal dès le mois d’octobre. Nous ouvrirons uniquement sur rendez vous jusque fin août dès qu’on le pourra.

-Vous avez sans doute le plus beau jardin de l’arrondissement… parsemé, lui aussi, à certains moments, d’oeuvres d’art… Un jardin de l’art, en somme… C’est quoi, l’art du jardin ?  

Je réponds en me mettant dans la peau de Madame tout le monde et pas en tant que galeriste : l’art au jardin est, selon moi, sous deux formes, celui qu’on a créé et celui qu’on s’est approprié, qu’on a adopté. Il y a le jardin en lui-même, ses espaces, ses plantations, ses constructions “handmade” et il y a les oeuvres qu’on y a installé, qu’on a acheté parce qu’elles correspondent à un moment, une rencontre, une valeur, un sentiment. Des matières, un sujet, une installation qu’on s’est approprié.

L’art au/du jardin c’est très gai, ça évolue au fil des saisons, au fil des années, on doit ouvrir l’oeil, y mettre du coeur, prendre le temps de s’interroger, de le regarder, savoir apprécier son aspect unique. C’est une très agréable sensation.

-Vous êtes en pleine nature : parlez-moi des animaux que vous cotoyez ?

Je vis avec nos deux beagles : l’inspecteur Rox et son adjoint Murphy, des journées rythmées de balades, de bêtises, de les voir se larver au soleil... Un vie de chien quoi... Je passe tous les jours devant une prairie avec deux chevaux, deux biquettes et j’entends tous les soirs un âne et sa voix cassée :) Je rencontre plus souvent dans le bois (qui est devenue quasi privé....quel bonheur) des écureuils et du gibier. Les hirondelles sont de retours et viennent tous les matins et soirs boirent dans notre bassin de baignade. Le couple de geais des Chênes, mésanges, pinsons, bouvreuils, le pic épêche et le rouge-queue sont toujours bien au rendez-vous du côté de nos mangeoires.

-Vous êtes en contact avec vos artistes ? Donnez-nous des nouvelles que quelques uns d’entre eux ? 

Quelques news... Martine Kerbaol, en Bretagne, paufine ses derniers bronzes, ses patines et s’occupe de son jardin/poules. Elle m’envoit souvent des messages vocaux, c’est un vrai rayon de soleil que de l’entendre !

Béatrice Terra fait des petites séances “live” de croquis sur facebook, c’est très chouette d’expérimenter son univers.

Ricke, en Allemagne, expérimente de nouvelles techniques dans son atelier de verre.

- Quelle réponse l’art donne-t-il à la pandémie ?

Je ne sais pas si on peut appeler cela une réponse mais  ce qu’on vit est un peu ce que vivent au quotidien beaucoup d’artistes. C’est peut-être le moment de se recentrer sur son “Moi” intérieur, de se poser des questions sur nos modes de vie.

Je cite le message d’un de mes sculpteurs, Marc Laffolay : “Mis à part les problèmes économiques que cela pose, cette période m’est plutôt agréable. En fait je suis confiné une bonne partie de l’année dans mon atelier. Evidemment là, l’ambiance est particulière, plus calme, introspective, on a l’impression d’être moins pressé par le temps et de pouvoir encore mieux profiter des choses et des gens. » 

L’Art est un sujet d’expression, il va il y avoir une très belle vague de peintures, croquis, sculptures, photographies qui vont surgir des ateliers pendant cette pandémie car il y a beaucoup de ressentis, d’émotion  et donc beaucoup de choses a exprimer et à partager à travers de nombreuses techniques.

-Vous créez vous-même ?

Oui et non... J’essaye de créer ma vie de galeriste et de partager ma passion pour l’art tous les jours c’est dejà pas si mal non ?

-Comme ceci, il manque les fêtes, les rencontres…   I

Il manque la famille, les amis ... Le virtuel c’est pas pareil... Les expos, les rendez vous clients, les livraisons, les visites d’atelier, il manque le travail, les rentrées financières...

-De votre fenêtre, que voyez-vous que vous n’aviez pas remarqué auparavant ?

Que le ciel pouvait être calme... (les avions pour les sauts en parachute passent au dessus de chez nous... ).

-Un artiste célèbre avec qui passer l’après-midi au jardin ? Qui ? Pour parler de quoi ? Boire et manger quoi ? 

Sans hésiter : Yayoi Kusama, cette artiste contemporaine japonaise, de 91 ans. J’adore son univers, elle a toujours osé, rien ne l’arrête, ni l’espace, ni les couleurs, ni les matières, ni les sujets. J’ai envie de connaître ses sources d’inspirations, sa façon de voir la vie, son mode de vie. Boire et manger...  je ne sais pas ce qui lui aurait fait plaisir de manger dans mon jardin. Peut-être que j’aurai osé lui faire une salade de légumes cueillis "minute", des herbes fraîches et des fleurs comestibles, une assiette osée et colorée comme ses oeuvres. Côté boisson, j’aurai tendance a partager une petite coupe de bulles avec elle... mais peut-être ne boit-elle que du thé ??  Si c’est le cas, j’ai toujours une chouette sélection de thés que je signe “Edmundo Solari”, mon artiste belgo-uruguayen. Il a carte blanche pour me ramener et ravitailler le comptoir thé/tisane de notre maison ! je ne m y connais pas assez.

-Qu’est-ce que cette période vous inspire ? 

Elle m’inspire à poursuivre mes habitudes (boucher, poissonnier, légumier, petites épiceries)... J’ai horreur d’aller au supermarché. Je n’y allais déjà qu’une fois par mois pour ce que je ne trouve pas ailleurs. 

Elle m’inspire a poursuivre et donner plus de temps à mon potager, j’expérimente des semis pour l’instant...).

Elle m’inspire à poursuivre mon concept de Maison Galerie d’art, de recevoir le public de manière privée, exclusive comme on le fait. Elle me pousse et me conforte dans mon choix d’artistes qui vient du coeur et qui ne suit pas les tendances, les modes.

-Le lieu où vous voudriez être ?

Je suis bien chez moi en ce mardi 14 avril, j’ai mon amoureux, mes deux beagles, entourée de belles choses, un grand jardin et je communique beaucoup par facetime avec famille, amis et clients..

Mais, il est vrai que, normalement, je devais être en ce mardi 14 avril chez nos amis collectionneurs du coté du Touquet. On aurait partagé sur des sujets artistiques et amicaux, on aurait partagé un énorme plateau de fruits de mer et on aurait dû s’émerveiller devant le festival des Cerfs Volants à Berck-sur-Mer.

-Etre confiné, c’est tout un art… Comment le pratiquer ?

J’imagine que chacun a sa technique mais, de mon côté, j’ai directement supprimé le réveil vu que je n’avais plus de rendez-vous programmés. Pour une hyper active que je suis, j’ai dormi presque 10 heures par nuit les 3 premières semaines !! Je pense que c’est bon là, les Duracel sont rechargées !!! Maintenant, toujours sans réveil, j’ouvre l’oeil vers 6h30 et je suis au taquet ! Le rythme a été donné tout de suite : côté jardin si soleil, ou bureau en cas de ciel gris. C’est quand on a rien qu’on devient créatif, que ce soit côté cuisine, travaux de jardinage ou finance, on est beaucoup plus inventif quand on part de zéro ou de pas grand-chose, c’est très intéressant. Comme tout le monde, le grand nettoyage printanier a été fait dans tous les recoins. Côté jardin, il y a toujours a faire. On a profité de ce confinement pour prendre le temps de fignoler des recoins, faire des semis et autres expériences “vertes”. Et puis, j’ai quelques projets en tête qui prennent forme pour la ... reprise  :) !

-Une épidémie, c’est…     

...C’est sûr que c’est une situation que les autorités belges gèrent très mal par rapport à d autres pays ! Masques, tests... confinement non respecté,....  Belgique, “L’union fait la force” : rien du tout oui !  On passe à côté de priorités et d’urgences, on pense à des règles de déconfinement alors qu’on n’est pas capables de fournir du matos et de faire des tests massifs... On a des petites guerres de labos à qui aura le plus d’argent... C’est la honte !

-Cette époque vous fait-elle peur ?  

C’est une époque de chaos, de crise, de changement. Il n y a pas d’évolution biologique ou d’évolution sociale sans moment de chaos. Peur : je ne dirais pas, je trouve qu’elle fait réfléchir et regarder la vérité en face. Bizarrement, elle me rend assez créative de mon côté. J’ai plein d’idées que j’ai envie de mettre en place.

Je lance juste quelques questions de notre société de sur-consommation...

A-t-on besoin d’aller faire du shopping à Milan ce week-end ? A-t-on besoin d’avoir le dernier sac sorti collection Printemps-Eté 2020 ? A-t-on besoin d’aller dans les Vosges ou à Cap Gris-Nez pour prendre l’air ? A-t-on vraiment besoin de prendre sa voiture pour faire une réunion de 50 minutes a Anvers ? A-t-on besoin de courir comme des malades faire nos courses au supermarché comme si on devait pousser son caddie en un temps record ?? A-t-on besoin de changer sa déco à chaque saison, tendance...

Je lance juste quelques réflexions de vécu pendant le confinement...

Combien de personnes ont enfin pris le temps de marcher ou de faire du vélo autour de leur maison et découvrir leur région ?

Combien de personnes on redécouvert qu’il y avait un boulanger, un boucher, un légumier, un poissonnier à deux pas de chez eux ?

Combien de personnes ont fait du télétravail et ce sont dit que c’était quand même confortable (gain de temps/ d’argent/ de déplacements), de faire une réunion par skype ?

Combien de personnes ont commencé à planter quelques herbes aromatiques et s’intéressent à comment faire un potager ou un poulailler... Oui, les oeufs viennent des poules et pas du supermarché...

Je dirais que cette époque est expérimentale... "Back to the roots" (faut il encore savoir d’où on vient !). Certains s’adapteront, d’autres jamais...

Propos suscités par Urbain Ortmans et diffusés le 14 avril 2020.

A revoir : https://www.vedia.be/www/video/culture/audrey-plunus-galeriste-diffuse-le-27-09-2010-_5852_138.html