Durant cette période de confinement, nous vous proposons, chaque jour, le regard d’une personnalité de notre région sur l’épidémie. Chacun d’entre nous a son propre territoire clos, avec ses peurs, ses espoirs, ce retour sur lui-même. Quel regard porte-t-il sur cette période ? Comment organise-t-il ces journées ? C’est Benjamin Thomé qui ouvre cette série. Né à Verviers en 1981, il part à quinze ans dans le sud de la France, pour s’installer près d’Avignon. Premier prix de piano au Conservatoire Royal de Bruxelles, il devient concertiste et donne régulièrement des récitals de piano en France, Suisse, Italie et Royaume-Uni.
-Benjamin Thome, vous êtes dans le sud de la France, comment évolue la situation dans votre région ?
De plus en plus de cas de Coronavirus, jour après jour, sont recensés ici dans le Sud-Est de la France mais la région n’est pas la plus touchée par l’épidémie sur le plan national, le plus grand foyer étant plutôt situé à Paris et dans le Nord-Est du pays.
-Et la population, comment réagit-elle ?
La population qui jusqu’alors avait parfois tendance pour une partie à banaliser la situation, a heureusement pris conscience de l’importance de respecter le confinement. Il a démarré ici le mardi 17 mars à midi, et ce afin de limiter au maximum la propagation du virus.
-Vous, personnellement, comment vivez-vous cette période ?
Alors pour tout vous dire je n’en suis vraiment qu’au début, dans la mesure où je n’ai pu regagner mon domicile que ce mercredi 18 mars dans la soirée. En effet, au moment de l’annonce du confinement, j’étais totalement isolé dans le Queyras pour une semaine de repos où j’étais censé «déconnecter». J’ai donc écourté mon séjour et organisé mon retour chez moi. J’ai la chance de pouvoir travailler mon piano à la maison donc je ne suis pas à plaindre. Ceci étant, comme chacun d’entre nous j’espère que cette période sera la plus courte possible. Raisonnablement on imagine bien que les 15 jours de confinement annoncés ne suffiront pas et seront prolongés.
-La proximité de l’Italie vous a-t-elle fait prendre conscience de la situation plus tôt que nous ?
Je ne sais pas si la prise de conscience a été plus rapide mais évidemment la proximité avec l’Italie pouvait nous faire penser que nous soyons touchés plus rapidement qu’en Belgique.
-Comment faire vivre la culture en période de confinement ?
C’est une période difficile pour tout le monde, aucun secteur n’est malheureusement épargné. Il n’est plus possible d’aller dans les théâtres ou autres salles de spectacle. Pour aller au cinéma ou aux concerts il faudra s’armer de patience. Heureusement on peut s’adonner à la lecture, écouter de la musique, regarder la télévision ou encore surfer sur internet... En tant que musicien, il n’est pas impossible d’imaginer diffuser une sorte de «mini-prestation» directement en ligne, ce qui maintiendrait le lien entre les artistes et le public.
-Quel est le compositeur qui vous inspire le plus en cette période ? Et quelle oeuvre ?
Jean-Sébastien Bach ! C’est un compositeur qui apaise et en ces moments difficiles on en a bien besoin ! Pour ne citer qu’une œuvre : Les variations Goldberg.
-Vous croisez régulièrement le monde des entreprises qui va, lui aussi, souffrir ; que peut-on faire pour elles ?
Il faut autant que faire se peut privilégier les commerces de proximité qui sont les premiers à être impactés et faire preuve de créativité en faisant, par exemple, les courses de nos proches les plus fragiles qui n’osent plus sortir.
Je pense aussi aux restaurants qui ont dû fermer leurs portes le samedi soir et qui se sont retrouvés avec des stocks importants sur les bras ; j’ai trouvé l’idée d’acheter leurs denrées très judicieuse. Certains restaurateurs ont même fait don de leur stock aux plus démunis !
Les conséquences économiques seront forcément lourdes pour bon nombre d’entreprises et il sera important d’être à nouveau présent lorsque la tempête sera passée. Par ailleurs j’espère que l’état tiendra ses promesses et accompagnera au mieux toutes les entreprises touchées durant la crise mais aussi au sortir de cette dernière.
-Beaucoup de gens craignent d’être confiné, qu’avez-vous à leur dire ?
Déjà leur dire qu’il est impératif de respecter les consignes de confinement pour en finir au plus vite avec cette épidémie et protéger les personnes les plus faibles. Soyez inventifs et profitez pour faire des choses que vous n’avez habituellement pas le temps de faire au quotidien ! Cela peut aussi nous permettre de réapprendre à communiquer au sein même de notre foyer, de prendre le temps dont nous manquons parfois cruellement dans une société où tout va très vite.
-Comment gardez-vous votre forme physique durant cette période ?
Heureusement pour le moment la pratique du footing est toujours autorisée en France. Sortir ses animaux aussi. Je joins donc l’utile à l’agréable en allant courir avec mon Beauceron à proximité de mon domicile comme je le fais toute l’année. J’ai la chance d’habiter au pied de la colline et de ne croiser personne, en outre je profite d’une météo toujours si ensoleillée ici dans la région.
-Est-ce que cette période changera quelque chose en vous ?
Je vous le dirai à l’issue de cette crise : je suis presque sûr que oui. Je pense que cette période difficile et inédite nous fera réfléchir sur la vie que l’on mène, nos objectifs et nos ambitions. Peut-être nos priorités vont -elles changer... en mieux.
-Que ferez vous quand on annoncera que l’épidémie est vaincue ?
Aller voir mes proches (famille et amis) sera la première chose que je ferai !
-Et pour vous, qu’apportent les réseaux sociaux en période de pandémie ?
Le côté positif est qu’ils nous permettent de garder un lien avec nos amis. Ils sont également un puits d’informations intéressantes mais il est important de faire preuve de discernement face à toutes les informations plus ou moins douteuses qui circulent. C’est un incroyable outil, mais à utiliser intelligemment !
-Avez-vous un message à faire passer à vos amis qui sont ici dans notre région ?
Je suis revenu en Belgique deux fois en mars et j’ai eu l’occasion de voir mes amis les plus proches. La situation a évolué, le confinement a également été décidé, chacun d’entre nous a un rôle à jouer. Je voudrais leur dire que nous devons tous être solidaires et que je pense fort à eux et suis déjà impatient de tous les revoir. Prenez soin de vous et à très vite, nous sortirons encore plus forts et nos liens seront consolidés !
Propos suscités par Urbain Ortmans et diffusés le 20 mars 2020.