" La chambre confinée" (26) : Christophe MAUSEN "peur de mourir et de ne pas bien le vivre !"

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Mettez un créatif en confinement obligé : cela donne un bouillonnement d’idées, un débordement d’énergie au service de nombreux projets. Atypique dans son milieu, souvent défini et identifié précisément comme le créatif de la Chambre de Commerce depuis 25 ans, Christophe Mausen est également le gérant d’Iconoclash, une agence en personal branding et de la confiserie artisanale, les Bonbons de Grand-Mère. Un confiseur confiné, nous n’en n’avions pas encore eu dans notre «Chambre confinée». Alors, cela se passe comment ? (retrouvez sa bio complète sans son IconoBook : www.christophe-mausen.be)

-Christophe Mausen, comment vivez-vous cette période de pandémie ?

Au début, comme beaucoup sans doute, je n’ai pas pris la menace au sérieux. Un virus en Chine, Ebola en Guinée, je nous sentais épargnés, trop éloignés du foyer que pour être concernés. Evidemment, les premiers cas observés en Italie ont sensiblement modifié ma perception du danger et du risque de propagation dans le reste de l’Europe. Mais à peine. A aucun moment, je n’ai conceptualisé ni même anticipé la suite telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ce qui me frappe, c’est que chaque jour, nous lisons ou entendons les humains se réjouir de la maîtrise de nouveaux concepts, tels que l’intelligence artificielle, les voyages sur Mars, le séquençage du génome humain, la téléportation des atomes, la transplantation de coeurs artificiels… mais ces mêmes humains se retrouvent aujourd’hui atones face à l’apparition d’un virus vis-à-vis duquel le seul instrument de lutte est le confinement de 4,4 milliards d’individus à qui on recommande de porter sur le visage un mouchoir cousu à 2 élastiques. C’est dans pareille situation que nous reprenons conscience de la fragilité de notre espèce et de la place réelle qu’elle occupe dans l’univers.

-Comment se déroule le confinement pour vous ?

Je répondrai en 2 temps à cette question parce que le premier volet influence le second.

D’abord, le confinement tel que je le vis aujourd’hui n’est pas synonyme de réclusion et je mesure la chance que j’ai de vivre ce moment dans les conditions qui sont les miennes. Une maison, de l’espace, un jardin, des arbres, des fleurs, des passereaux, un frigo et une bibliothèque remplies, un bureau parfaitement aménagé, une épouse magnifique à tous points de vue, des enfants occupés et en pleine santé, une famille entière épargnée par le virus, des voisins charmants, un réseau professionnel et amical bien étoffé, un travail de qualité permettant d’être exécuté à distance… Bref, des conditions matérielles et affectives optimales pour affronter (absorber ?) cet épisode historique.

Le décor étant posé, il est plus simple de répondre à votre question. Le confinement, je le vis bien. Je l’appréhende comme une expérience, une sorte de trajet intérieur qui m’achemine vers moi. L’isolement physique a l’avantage de me remplir de moi sans me vider des autres. A mon éternel désir de vouloir être ailleurs et de vivre autre chose, la réponse imposée par le confinement suscite la clarification, la fin du tiraillement et l’apaisement de l’âme, dès lors qu’il n’existe d’autres possibilités que la confrontation à soi, «hic et nunc», celle de la solitude intérieure face à la multitude extérieure.

-Une telle période, si bousculée, cela nourrit la créativité ?

Oui, le chaos est source d’inspiration. Il redistribue les cartes, modifie les perceptions, rend possible les choses impossibles. Si l’on accepte de mettre de côté la tragédie humaine que nous vivons, cette période est particulièrement faste pour oser. Oser se débarrasser de nos balises mentales et de nos carcans intellectuels et oser s’ouvrir à de nouveaux paradigmes, que j’imagine personnellement plus responsables sur le plan sociétal.

Plus modestement, à l’échelle de mon travail, cette période est l’occasion de réfléchir à de nouveaux business models et de préparer de nouveaux produits innovants, 100 % numériques, en phase avec nos métiers et permettant à la Chambre de Commerce d’entrer de plain-pied dans le 21ème siècle.

-Vous cotoyez les entreprises, comment vont-elles passer le cap ?

Il est malheureusement impossible de le prévoir car chaque cas est un cas particulier. Cependant, il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte que beaucoup d’entre elles souffrent ou souffriront encore pour une longue période. Il est fortement à craindre qu’un certain nombre d’entreprises issues de secteurs violemment impactés comme l’horeca, l’événementiel, les loisirs, le tourisme, la culture ou les métiers de la communication par exemple, devront déposer le bilan. C’est évidemment triste car il faut se rappeler que pour créer une entreprise, la développer et la maintenir, c’est du travail, de la sueur, des tracas, des insomnies, des prises de risques parfois énormes et de coûteux sacrifices. Beaucoup trop de personnes, malheureusement, voient en un patron celui qui s’enrichit sur le dos de ses travailleurs. Comme s’il y avait d’un côté les gentils ouvriers et de l’autre les méchants patrons. Rappelons que ce ne sont pas les multinationales qui mordront la poussière dans cette crise mais bien de petites entreprises locales aux ressources financières et à la trésorerie limitées. Profitons donc de cette période de solidarité pour éradiquer ce modèle de pensée obsolète et appréhendons un nouveau mode de collaboration, basé sur les valeurs individuelles, l’utilité de chacun et la force du collectif pour servir un projet qui a du sens pour tous. Et là, certains patrons ont un travail à faire sur eux-mêmes. Réfléchir au sens de leur projet, pas uniquement en termes pécuniaires et partager leur rêve pour offrir à leurs équipes la perspective d’un futur enthousiasmant.

-Que lisez-vous actuellement ?

Etant donné que la crise a fortement perturbé les activités de la Chambre de Commerce (pour laquelle j’exerce en tant que prestataire externe), je poursuis un rythme de travail élevé, voire encore plus soutenu qu’en temps normal car la situation exige de repenser les choses au quotidien. Ce qui veut dire que je dispose, malheureusement, de peu de temps à consacrer à la lecture qui requiert une certaine disponibilité d’esprit que je n’ai plus depuis de nombreuses années. Je suis absorbé par le tourbillon de mes pensées et j’éprouve beaucoup de difficultés à me concentrer et à rester focalisé sur ce je lis ou sur ce que je regarde à la télévision, par exemple. Néanmoins, je parcours quotidiennement plusieurs titres de presse auxquels je suis abonné (Le Soir et l’Echo, principalement). Et lorsqu’il me reste un peu de temps je poursuis la lecture du best-seller de Tien Tzuo, «Subscribed».

-Qui vous inspire à cette époque ?

Les artistes, bien sûr mais aussi les personnes qui osent changer de trajectoire pour se recentrer, pour être plus en phase avec leurs convictions intimes et plus alignées avec leurs aspirations profondes. Je pense d’ailleurs que les événements que nous vivons actuellement sont propices à susciter de nouvelles vocations. Et c’est une bonne chose, car le monde a besoin de gens qui font les choses par amour plutôt que par intérêt.

-Selon vous, il fallait mieux prévoir ce qui est arrivé ?

Bien que Bill Gates (fondateur de Microsoft) l’avait prédit en 2014 lors d’une session de TEDx, tout le monde a été surpris par ce virus tout autant par sa rapidité de propagation que par l’ampleur du péril.

Par contre, alors que d’autres phénomènes, beaucoup plus prévisibles menacent la survie de l’espèce, nous restons sourds et dramatiquement observateurs. Je pense évidemment au réchauffement climatique dont les conséquences n’auront aucune commune mesure avec ce que nous connaissons aujourd’hui. S’agissant d’une menace aveugle et diffuse, nos responsables politiques dont la vision est généralement très "court-termiste" reportent sans cesse à plus tard la gestion de ce problème crucial car il n’est pas très vendeur sur le plan électoral. On préfère annoncer une hausse de 50 € de salaire en poche que de créer des pistes cyclables ou inciter le télétravail pour réduire notre empreinte écologique. Et pourtant , l’expérience que nous vivons aujourd’hui montre à quel point le monde entier est capable de rapidement se mobiliser pour faire face à un ultimatum. 

https://www.ted.com/talks/bill_gates_the_next_outbreak_we_re_not_ready?language=fr

-Comment voyez-vous le prochain été ?

D’après ce que je perçois, ce sera chacun dans son pays. En soi, cette expérience pourrait se révéler intéressante à plus d’un titre. A condition que les déplacements soient autorisés pour les voyages touristiques en Belgique, l’idée que les Belges découvrent leur propre pays est une bonne chose. Il y a tant à faire et à découvrir chez nous que beaucoup d’entre nous seront sans doute agréablement surpris par l’expérience d’un été composé d’excursions ou de mini-trips au sein de nos frontières.

-Quel artiste pour cette période ?

Les artistes conviennent à toutes les périodes et remplissent nos vies au quotidien. On perçoit encore mieux leur utilité en ces instants de confinement où leurs messages nous accompagnent, nous interrogent, nous divertissent et nous aident à adoucir les angles de l’existence. J’aurais cependant une pensée émue pour le chanteur Christophe dont j’ai toujours aimé la posture "glam-kitsch", en dehors du temps et loin des conventions mainstream.

-Et quelle citation ?

En voici une que je trouve de circonstance : «On est partout chez soi. Partout où s’étend le ciel on est chez soi. En tout lieu de cette terre on est chez soi lorsqu’on porte tout en soi» (Etty Hillesum "Une vie bouleversée").

-Une épidémie, c’est...

La superstition d’une punition divine !

-Une telle période ramène chacun d’entre nous à sa vision de la mort... vous avez peur de la mort ?

Je n’ai pas peur de la mort. J’ai juste peur de mourir et de ne pas bien le vivre !

 

Propos suscités par Urbain Ortmans et diffusés le 22 avril.

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